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- Caligula: "Tout cela manque de sang."
Présentation selon S. Olivié-Bisson (ENSATT) (Pour les Célestins, Lyon, 2020) Les sources romaines La source historique : Suétone l'historien romain qui écrit près d'un siècle après la mort de l'empereur, se réfère d'abord au père de Caligula, le héros militaire Germanicus, Germanicus, père de C. César et fils de Drusus et de la plus jeune Antonia, fut adopté par Tibère, son oncle paternel. Il exerça la questure cinq ans avant l'âge exigé par les lois, et le consulat immédiatement après. Envoyé en Germanie pour y prendre le commandement de l'armée, il contint, avec autant d'énergie que de fidélité, toutes les légions, qui, à la première nouvelle de la mort d'Auguste, refusaient obstinément de reconnaître Tibère pour empereur, et lui déféraient à lui-même le gouvernement de l'Etat. Il vainquit ensuite l'ennemi, et revint triompher à Rome. On le créa consul pour la seconde fois ; mais, avant que d'entrer en charge, il fut, pour ainsi dire, chassé de Rome par Tibère, qui l'envoya pacifier l'Orient. Après avoir vaincu le roi d'Arménie, et réduit, la Cappadoce en province romaine, il mourut à Antioche, à l'âge de trente-quatre ans, d'une maladie de langueur, qui donna lieu à des soupçons d'empoisonnement. En effet, outre les taches livides qu'il avait sur tout le corps, et l'écume qui lui sortait de la bouche, on remarqua, lorsqu'il fut brûlé, que son coeur était resté intact ; or, l'on croit communément que le coeur imprégné de poison résiste à l'action du feu. Ce n'est que dans un second temps (en tant que produit d'une histoire familiale, donc) qu'il présente Caligula, par l'anecdote, Le surnom de Caligula était un sobriquet militaire, et lui venait d'une chaussure de soldat qu'il avait portée dans son enfance, au milieu des camps. Les soldats, pour l'avoir vu ainsi grandir et élever parmi eux, lui portaient un attachement incroyable. On en eut surtout une preuve après la mort d'Auguste, lorsque sa seule présence apaisa la fureur des troupes séditieuses. puis par la réputation (d'abord ambivalente puis sulfureuse) (goût du travestissement, jeux, organisation de supplices... l'adjectif latin récurrent pour le décrire étant "saevus" (sauvage), complété par la mention de son "ferum ingenium" (sa nature bestiale). En butte à toutes sortes de pièges, et aux perfides instigations de ceux qui cherchaient à lui arracher des plaintes, il ne donna aucun prétexte à la malignité : on eût dit qu'il ignorait le sort malheureux de sa famille et celui de toutes les autres. Ses propres affronts, il les dévorait avec une incroyable force de dissimulation ; et il avait pour Tibère et pour ceux qui l'entouraient des recherches de complaisance qui ont fait dire de lui avec raison, «qu'il n'y eut jamais de meilleur esclave ni de plus mauvais maître». Toutefois, dès ce temps-là même, il ne pouvait cacher ses inclinations basses et cruelles. Un de ses plus grands plaisirs était d'assister aux tortures et au dernier supplice des condamnés. La nuit, il courait les mauvais lieux et les adultères, enveloppé d'un long manteau, et la tête cachée sous de faux cheveux. Il était surtout passionné pour la danse théâtrale et pour le chant. Tibère ne contrariait pas ces goûts, qui pouvaient, pensait-il, adoucir son naturel féroce. Le pénétrant vieillard avait si bien approfondi ce caractère, qu'il disait souvent : «Je laisse vivre Caïus pour son malheur et pour celui de tous» ; ou bien : «J'élève un serpent pour le peuple romain, et un autre Phaéton pour l'univers». NOTA BENE Caligula est le frère de l'Agrippine que nous connaissons, mère de Néron. Lecture (par l'auteur) pour Frémeaux&associés Une tragédie? Définition-s du genre La conception de la pièce par CAMUS Préface à l'édition américaine (1958) Caligula, prince relativement aimable jusque là, s'aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que le monde tel qu'il va n'est pas satisfaisant. Dès lors, obsédé d'impossible, empoisonné de mépris et d'horreur, il tente d'exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu'elle n'est pas la bonne. Il récuse l'amitié et l'amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l'entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l’entraîne sa passion de vivre. Mais, si sa vérité est de se révolter contre le destin, son erreur est de nier les hommes. On ne peut tout détruire sans se détruire soi-même. C'est pourquoi Caligula dépeuple le monde autour de lui et, fidèle à sa logique, fait ce qu'il faut pour armer contre lui ceux qui finiront par le tuer. Caligula est l'histoire d'un suicide supérieur. C'est l'histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs. Infidèle à l'homme, par fidélité à lui-même, Caligula consent à mourir pour avoir compris qu'aucun être ne peut se sauver tout seul et qu'on ne peut être libre contre les autres hommes. Il s'agit donc d'une tragédie de l'intelligence. (...) La passion de l'impossible est, pour le dramaturge, un objet d'études aussi valable que la cupidité ou l'adultère. La montrer dans sa fureur, en illustrer les ravages, en faire éclater l'échec, voilà quel était mon projet. La construction de la pièce : un piège qui se referme La pièce compte 4 actes, au morcellement irrégulier : Acte I, 11 scènes acte II: 14 scènes acte III: 6 scènes acte IV: 14 scènes La pièce repose sur une ellipse annoncée par la didascalie initiale : La scène se passe dans le palais de Caligula. Il y a un intervalle de trois années entre le premier acte et les trois suivants. La pièce commence, sur du "rien": PREMIER PATRICIEN.- Toujours rien. LE VIEUX PATRICIEN.- Rien le matin, rien le soir. DEUXIÈME PATRICIEN.- Rien depuis trois jours. LE VIEUX PATRICIEN.- Les courriers partent, les courriers reviennent. Ils secouent la tête et disent : « Rien. » DEUXIÈME PATRICIEN.- Toute la campagne est battue, il n'y a rien à faire Elle s'achève sur du "rien, encore." Tout a l'air si compliqué. Tout est si simple pourtant. Si j'avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif? Quel cœur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d'un lac? (S'agenouillant et pleurant.) Rien dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi (il tend les mains vers le miroir en pleurant), qu'il suffirait que l'impossible soit. L'impossible ! Je l'ai cherché aux limites du monde, aux confins de moi-même. J'ai tendu mes mains (criant), je tends mes mains et c'est toi que je rencontre, toujours rien en face de moi, et je suis pour toi plein de haine. Je n'ai pas pris la voie qu'il fallait, je n'aboutis à rien. (...) Un héros complexe Caligula n'ouvre pas la pièce ; il n'arrive qu'à la scène 3 : La scène reste vide quelques secondes. Caligula entre furtivement par la gauche. Il a l'air égaré, il est sale, il a les cheveux pleins d'eau et les jambes souillées. Il porte plusieurs fois la main à sa bouche. Il avance vers le miroir et s'arrête dès qu'il aperçoit sa propre image. Il grommelle des paroles indistinctes, puis va s'asseoir, à droite, les bras pendants entre les genoux écartés. Hélicon entre à gauche. Apercevant Caligula, il s'arrête à l'extrémité de la scène et l'observe en silence. Caligula se retourne et le voit. Un temps. Cependant, le héros-éponyme ne parle qu'à la scène 4. Il clôture tous les actes: acte I (...) dit d'une voix triomphante: Caligula. acte II lentement. Le mépris. acte III Ton empereur attend son repos. C'est sa manière à lui de vivre et d'être heureux. acte IV (fin de la pièce) (au moment où il va être mis à mort par les conjurés). Je suis encore vivant ! L'auteur Albert CAMUS : homme, résistant, algérien, fils, père, intellectuel, théoricien, méditerranéen, directeur de revue, directeur de collection, séducteur, nageur, footballeur ... cf. https://www.lydiablanc.fr/post/albert-camus La séquence Programmation Les textes (4 extraits avec comme angle de lecture: le tyran) Questionnaire de lecture L'Absurde CAMUS reconnaît à son oeuvre 3 paliers dans une architecture consciente de la pensée de l'homme dans le monde: l'absurde, la révolte et le cycle de l'amour (auquel il travailait au moment de sa mort en 1960). L'Absurde (1936-1945) comprend : Un essai, Le mythe de Sisiphe (1942), un roman, l'Etranger (1942) Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français... et un diptyque dramatique (deux pièces, Caligula et Le malentendu) CALIGULA .- C'est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter. HELICON .- Et qu'est-ce donc que cette vérité, Caïus? CALIGULA.- Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux. HELICON.- Allons, Caïus, c'est une vérité dont on s'arrange très bien. Regarde autour de toi. Ce n'est pas cela qui les empêche de déjeuner. CALIGULA.- Alors, c'est que tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu'on vive dans la vérité! Caligula par la grammaire sur le I, 3 "Si je dors, qui me donnera la lune?" L'expression de l'interrogation. Documents complémentaire sur l'absurde autour de Caligula CAMUS, "le siècle de la peur", in "Ni victimes ni bourreaux" (Combat, nov. 1946) cf. https://eduscol.education.fr/odysseum/devant-le-monde-et-lintolerance-lhomme-sinterroge-ni-victimes-ni-bourreaux-repond-camus Le XVIIe siècle a été le siècle des mathématiques, le XVIIIe celui des sciences physiques, et le XIXe celui de la biologie. Notre XXe siècle est le siècle de la peur. On me dira que ce n’est pas là une science. Mais d’abord la science y est pour quelque chose, puisque ses derniers progrès théoriques l’ont amenée à se nier elle-même et puisque ses perfectionnements pratiques menacent la terre entière de destruction. De plus, si la peur en elle-même ne peut être considérée comme une science, il n’y a pas de doute qu’elle soit cependant une technique. Ce qui frappe le plus, en effet, dans le monde où nous vivons, c’est d’abord, et en général, que la plupart des hommes (sauf les croyants de toutes espèces) sont privés d’avenir. Il n’y a pas de vie valable sans projection sur l’avenir, sans promesse de mûrissement et de progrès. Vivre contre un mur, c’est la vie des chiens. Eh bien ! Les hommes de ma génération et de celle qui entre aujourd’hui dans les ateliers et les facultés ont vécu et vivent de plus en plus comme des chiens. Naturellement, ce n’est pas la première fois que des hommes se trouvent devant un avenir matériellement bouché. Mais ils en triomphaient ordinairement par la parole et par le cri. Ils en appelaient à d’autres valeurs, qui faisaient leur espérance. Aujourd’hui, personne ne parle plus (sauf ceux qui se répètent), parce que le monde nous paraît mené par des forces aveugles et sourdes qui n’entendront pas les cris d’avertissements, ni les conseils, ni les supplications. Quelque chose en nous a été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque chose est cette éternelle confiance de l’homme, qui lui a toujours fait croire qu’on pouvait tirer d’un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l’humanité. Nous avons vu mentir, avilir, tuer, déporter, torturer, et à chaque fois il n’était pas possible de persuader ceux qui le faisaient de ne pas le faire, parce qu’ils étaient sûrs d’eux et parce qu’on ne persuade pas une abstraction, c’est-à-dire le représentant d’une idéologie. Le long dialogue des hommes vient de s’arrêter. Et, bien entendu, un homme qu’on ne peut pas persuader est un homme qui fait peur. (...) Pour sortir de cette terreur, il faudrait pouvoir réfléchir et agir suivant sa réflexion. Mais la terreur, justement, n’est pas un climat favorable à la réflexion. Je suis d’avis, cependant, au lieu de blâmer cette peur, de la considérer comme un des premiers éléments de la situation et d’essayer d’y remédier. Il n’est rien de plus important. Car cela concerne le sort d’un grand nombre d’Européens qui, rassasiés de violences et de mensonges, déçus dans leurs plus grands espoirs, répugnant à l’idée de tuer leurs semblables, fût-ce pour les convaincre, répugnent également à l’idée d’être convaincus de la même manière. Pourtant, c’est l’alternative où l’on place cette grande masse d’hommes en Europe, qui ne sont d’aucun parti, ou qui sont mal à l’aise dans celui qu’ils ont choisi, qui doutent que le socialisme soit réalisé en Russie, et le libéralisme en Amérique, qui reconnaissent, cependant, à ceux-ci et à ceux-là le droit d’affirmer leur vérité, mais qui leur refusent celui de l’imposer par le meurtre, individuel ou collectif. Parmi les puissants du jour, ce sont des hommes sans royaume. Ces hommes ne pourront faire admettre (je ne dis pas triompher mais admettre) leur point de vue, et ne pourront retrouver leur patrie que lorsqu’ils auront pris conscience de ce qu’ils veulent et qu’ils le diront assez simplement et assez fortement pour que leurs paroles puissent lier un faisceau d’énergies. Et si la peur n’est pas le climat de la juste réflexion, il leur faut donc d’abord se mettre en règle avec la peur. Pour se mettre en règle avec elle, il faut voir ce qu’elle signifie et ce qu’elle refuse. Elle signifie et elle refuse le même fait : un monde où le meurtre est légitimé et où la vie humaine est considérée comme futile. Voilà le premier problème politique d’aujourd’hui. Et avant d’en venir au reste, il faut prendre position par rapport à lui. Préalablement à toute construction, il faut aujourd’hui poser deux questions : « Oui ou non, directement ou indirectement, voulez-vous être tué ou violenté ? Oui ou non, directement ou indirectement, voulez-vous tuer ou violenter ? » Tous ceux qui répondront non à ces deux questions sont automatiquement embarqués dans une série de conséquences qui doivent modifier leur façon de poser le problème. Mon projet est de préciser deux ou trois seulement de ces conséquences. En attendant, le lecteur de bonne volonté peut s’interroger et répondre. Caligula s'ouvre sur la didascalie suivante: Des patriciens, dont un très âgé, sont groupés dans une salle du palais et donnent des signes de nervosité.
- Britannicus
(séquence de seconde, le théâtre du 17e au 21e s.) 2020/2021 Programmation séquentielle aménagée (enseignement hybride) Contexte historique & cadre esthétique L'arrière-plan théorique de la dramaturgie classique Fascination de RACINE pour les tyrans? On peut se poser la question d'un cycle des passions tyranniques chez RACINE, entre Andromaque (1667) où Pyrrhus passe son temps à exiger, Britannicus (1668), avec la formulation explicite du fructueux (pour un auteur) paradoxe: "Toujours la tyrannie a d'heureuses prémisses" : Bajazet (1672) où c'est Roxane qui est dépassée par sa fureur Quelle(s) raisons à cela? La tyrannie, outre son intérêt dramaturgique (pain béni pour une peinture des passions ), revient dans les préoccupations politologiques dès le 16e s., ; elle pose la question de la bonne gouvernance (juste ou efficace, c'est tout le problème, chez MACHIAVEL ou LA BOETIE, et même chez MONTAIGNE), prend une tournure toute particulière avec l'hyper-puissance centralisatrice, administrative, de droit divin et spectaculaire de Louis XIV auquel RACINE est lié de façon ambiguë : ancien de Port-Royal qui finit par y revenir, il se met au service du Roi (qui avait persécuté Port-Royal -Etat dans l' Etat-) en tant qu'historiographe dans les années 1670. RACINE entretient un rapport durable, conscient et conflictuel à la figure de Louis XIV. Qu'a de si marquant cet hyper-pouvoir de Louis XIV ? Cf. exposition "le Roi est mort" (Château de Versailles, 2015) L'historien Joël CORNETTE a largement étudié l'Etat louisquatorzien et son absolutisme spectaculaire, qui pose la question des limites du pouvoir, i.e. de sa mesure et de ses excès. Qui est ce "monstre naissant", Néron ? Une découverte du CNRS/ archéo Camille JULLIAN (Aix AMU) https://lejournal.cnrs.fr/videos/lincroyable-salle-a-manger-tournante-de-neron Néron par Suétone Empoisonnement de Britannicus Ce fut par Claude qu'il commença ses meurtres et ses parricides. S'il ne fut pas l'auteur de sa mort, il en fut du moins le complice. Il s'en cachait si peu, qu'il affectait de répéter un proverbe grec, en appelant "mets des dieux" les champignons qui avaient servi à empoisonner Claude. Il outrageait sa mémoire par ses paroles et par ses actions, en l'accusant tour à tour de folie et de cruauté. Il disait qu'il avait cessé de demeurer parmi les hommes, en appuyant sur la première syllabe de morari en sorte que cela signifiât qu'il avait cessé d'être fou. Il annula beaucoup de décrets et de règlements de ce prince comme des traits de bêtise ou de folie. Enfin il n'entoura son tombeau que d'une mince et chétive muraille. Il empoisonna Britannicus parce qu'il avait la voix plus belle que la sienne, et qu'il craignait que le souvenir de son père ne lui donnât un jour de l'ascendant sur l'esprit du peuple. La potion que lui avait administrée la célèbre empoisonneuse Locuste étant trop lente à son gré et n'ayant occasionné à Britannicus qu'une simple diarrhée, Néron appela cette femme et la frappa de sa main, l'accusant de ne lui avoir fait prendre qu'une médecine au lieu de poison. Comme elle s'excusait sur le dessein qu'elle avait eu de cacher un crime si odieux: "Crois-tu donc, lui dit-il, que je craigne la loi Julia?", et il l'obligea de composer devant lui le poison le plus prompt et le plus actif qu'il lui serait possible. Il l'essaya sur un chevreau qui n'expira que cinq heures après. Il le fit recuire à plusieurs reprises, et le donna à un marcassin qui mourut sur-le-champ. Sur l'ordre de Néron, on l'apporta dans la salle à manger et on le servit à Britannicus qui soupait avec lui. Le jeune prince tomba dès qu'il l'eut goûté. Néron dit alors aux convives que c'était une épilepsie à laquelle il était sujet. Le lendemain, par une pluie battante, il le fit ensevelir à la hâte et sans aucune pompe. Pour prix de ses services, Locuste reçut l'impunité, des terres considérables et même des disciples. Le présage de la comète (Rappelons que la vie de Néron par l'historien romain Suétone avait été placée, d'emblée, sous le signe du rayon de soleil...) https://eduscol.education.fr/odysseum/suetone-vie-de-neron-chap-36 Le portrait physique de Néron... n'arrive qu'en dernier, après le récit de ses funérailles, d'ailleurs Néron avait une taille ordinaire. Son corps était hideux et couvert de taches, sa chevelure blonde, sa figure plutôt belle qu'agréable, ses yeux bleus et faibles, le cou fort, le ventre gros, les jambes grêles, le tempérament vigoureux. Malgré l'excès de ses débauches, il ne fut malade que trois fois en quatorze ans; encore ne le fut-il pas au point d'être obligé de s'abstenir de vin, ou de rien changer à ses habitudes. Il avait si peu de décence et de tenue, que, dans son voyage en Grèce, il laissa retomber derrière sa tête ses cheveux, qui d'ailleurs étaient toujours disposés en étages, et que souvent il parut en public vêtu d'une espèce de robe de chambre, un mouchoir autour du cou, sans ceinture ni chaussures. Néron et la mort de Britannicus par Tacite (=référence de RACINE*) Annales XIII Néron, alarmé de ces fureurs, et voyant Britannicus près d'achever sa quatorzième année, rappelait tour à tour à son esprit et les emportements de sa mère, et le caractère du jeune homme, que venait de révéler un indice léger, sans doute, mais qui avait vivement intéressé en sa faveur. Pendant les fêtes de Saturne, les deux frères jouaient avec des jeunes gens de leur âge, et, dans un de ces jeux, on tirait au sort la royauté; elle échut à Néron. Celui-ci, après avoir fait aux autres des commandements dont ils pouvaient s'acquitter sans rougir, ordonne à Britannicus de se lever, de s'avancer et de chanter quelque chose. Il comptait faire rire aux dépens d'un enfant étranger aux réunions les plus sobres, et plus encore aux orgies de l'ivresse. Britannicus, sans se déconcerter, chanta des vers dont le sens rappelait qu'il avait été précipité du rang suprême et du trône paternel. On s'attendrit, et l'émotion fut d'autant plus visible que la nuit et la licence avaient banni la feinte. Néron comprit cette censure, et sa haine redoubla. Agrippine par ses menaces en hâta les effets. Nul crime dont on pût accuser Britannicus, et Néron n'osait publiquement commander le meurtre d'un frère: il résolut de frapper en secret, et fit préparer du poison. L'agent qu'il choisit fut Julius Pollio, tribun d'une cohorte prétorienne, qui avait sous sa garde Locuste, condamnée pour empoisonnement, et fameuse par beaucoup de forfaits. Dès longtemps on avait eu soin de ne placer auprès de Britannicus que des hommes pour qui rien ne fût sacré: un premier breuvage lui fut donné par ses gouverneurs, trop faible, soit qu'on l'eût mitigé, pour qu'il ne tuât pas sur-le-champ. Néron, qui ne pouvait souffrir cette lenteur dans le crime, menace le tribun, ordonne le supplice de l'empoisonneuse, se plaignant, que, pour prévenir de vaines rumeurs et se ménager une apologie, ils retardaient sa sécurité. Ils lui promirent alors un venin qui tuerait aussi vite que le fer: il fut distillé auprès de la chambre du prince, et composé de poisons d'une violence éprouvée. C'était l'usage que les fils des princes mangeassent assis avec les autres nobles de leur âge, sous les yeux de leurs parents, à une table séparée et plus frugale. Britannicus était à l'une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n'eût été goûté par un esclave de confiance, et qu'on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni déceler le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu'on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l'esclave, fut servi à Britannicus; mais la liqueur était trop chaude, et il ne put la boire. Avec l'eau dont on la rafraîchit, on y versa le poison, qui circula si rapidement dans ses veines qu'il lui ravit en même temps la parole et la vie. Tout se trouble autour de lui: les moins prudents s'enfuient; ceux dont la vue pénètre plus avant demeurent immobiles, les yeux attachés sur Néron. Le prince, toujours penché sur son lit et feignant de ne rien savoir, dit que c'était un événement ordinaire, causé par l'épilepsie dont Britannicus était attaqué depuis l'enfance; que peu à peu la vue et le sentiment lui reviendraient. Pour Agrippine, elle composait inutilement son visage: la frayeur et le trouble de son âme éclatèrent si visiblement qu'on la jugea aussi étrangère à ce crime que l'était Octavie, sœur de Britannicus: et en effet, elle voyait dans cette mort la chute de son dernier appui et l’exemple du parricide. Octavie aussi, dans un âge si jeune, avait appris à cacher sa douleur, sa tendresse, tous les mouvements de son âme. Ainsi, après un moment de silence, la gaieté du festin recommença. * TACITE et non pas SUÉTONE: source au ton autrement plus pittoresque, pour ne pas dire pictural que le sec et réprobateur SUÉTONE, ce qui laisse plus de place à l'exploration et la dramatisation des passions complexes. Néron vu par Racine Première préface (1670) D'autres ont dit, au contraire, que je l'avais fait trop bon. J'avoue que je ne m'étais pas formé l'idée d'un bon homme en la personne de Néron. Je l'ai toujours regardé comme un monstre. Mais c'est ici un monstre naissant. Il n'a pas encore mis le feu à Rome. Il n'a pas tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs. A cela près, il me semble qu'il lui échappe assez de cruautés pour empêcher que personne ne le méconnaisse. Seconde préface (1670) Pour commencer par Néron, il faut se souvenir qu'il est ici dans les premières années de son règne, qui ont été heureuses, comme l'on sait. Ainsi il ne m'a pas été permis de le représenter aussi méchant qu'il a été depuis. Je ne le représente pas non plus comme un homme vertueux ; car il ne l'a jamais été. Il n'a pas encore tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs ; mais il a en lui les semences de tous ces crimes. Il commence à vouloir secouer le joug. Il les hait les uns et les autres, et il leur cache sa haine sous de fausses caresses : factus natura velare odium fallacibus blanditiis. En un mot, c'est ici un monstre naissant, mais qui n'ose encore se déclarer, et qui cherche des couleurs â ses méchantes actions : hactenus Nero flagitiis et ceteribus velamenta quaesivit. Il ne pouvait souffrir Octavie, princesse d'une bonté et d'une vertu exemplaires, fato quodam, an quia praevalent illicita ; metuebaturque ne in stupra feminarum illustrium prorumperet. Qui peut attendre quoi de Néron? Néron antique vs Néron chrétien Représenter le crime quand on est un "classique": Nicolas POUSSIN Les textes de la séquence https://www.dropbox.com/s/6atyhjglvpwwabd/THEATRE_Britannicus.pdf?dl=0 Présentation du dramaturge par le prof. A. VIALA la "stratégie du caméléon" Présentation de l'intrigue et les enjeux de la représentation du texte racinien par S. Braunschweig (mise en scène Comédie Française, 2018) Scénographie : décor & plateau (par S. Braunschweig pour la Comédie Française) La pièce intégrale (2018), captation audio France Culture https://soundcloud.com/lpblanc/britannicuscomediefr Entrer dans le texte par une double entrée: grammaire et alexandrin racinien Les élèves quelque peu démobilisés en fin cette fin décembre, sont invités, de façon volontairement ritualisée, à se pencher chaque jour, sur une double énigme. Les élèves en distanciel peuvent envoyer leurs hypothèses en 3 mn chrono (mp3) via PRONOTE ou par email. Les réponses discutées en classe ouvrent, après lecture du texte concerné, la séance du jour. La question de grammaire consiste en une définition, un repérage du phénomène (=ses formes et expressions) mais aussi, surtout, de ce que cela signifie, c'est-à-dire de ce que cela éclaire quant au sens et à la force du passage visé. S'agissant de l'alexandrin (ou les alexandrins) du jour, la question se pose ainsi: pourquoi cet alexandrin en particulier? Qu'a-t-il de si spécial? Que révèle-t-il ? En quoi peut-on dire que l'alexandrin est bien " fichu "? Quelques réponses (points de départ du cours) #unjourunalexandrin vers 12 retranscription du cours démarré par la recherche du sens de l'alexandrin 12 en fonction de sa construction et de sa formulation: vers 405-406 Adam puis Clemens, élèves de seconde15, qui cogitent sur les vers 405-406 : Le cours réalisé en classe sur II, 2 (tirade de Néron) Le langage néronien Mais de tout l'univers, quel sera le langage?" Néron à Narcisse (IV, 4) Retour à la fameuse tirade en II, 2 : La définition de Néron (qui fantasme et désire) pose problème: le corps (qu'il soit amoureux ou contraint) est son seul langage de brute. C'est ce qu'il rappelle à Junie en dans la très fugace scène 4 de l'acte II : Madame, en le voyant, songez que je vous vois.Mais plus encore que le corps, c'est un corps unique et réduit que celui de Néron, en ce qu'il n'est que physique (et non pas symbolique comme un corps de monarque est censé l'être). Pour rappel, le corps du roi est en effet de deux ordres. A la clôture de l'acte IV, face à Narcisse, Néron est incapable de penser autrement que par les sens, et notamment le sens visuel: Viens, Narcisse. Allons voir ce que nous devons faire. Néron ne réapparaîtra finalement qu'en V, 6 mais avec cette didascalie qui pèse de tout son poids : NÉRON, voyant Agrippine. Britannicus vs Néron (III, 8) Double NOTA BENE: Clarisse veut parler de l' "inversion" (et non "inversement") des termes et elle étudie un alexandrin de Britannicus (pas la parole de Néron) ! Prochaines échéances et prochaines énigmes ... Mère/fils (IV, 2) le texte Agrippine vue par Dominique Blanc (pensionnaire à la Comédie Française) https://soundcloud.com/comedie-francaise/entretien-avec-dominique-blanc-pour-britannicus La mise en scène Braunschweig #unjourunalexandrin V,5 (Burrhus) vers 1630 Le fer ne produit point de si puissants efforts montrer que cet alexandrin est inutile et utile ... - - Dénouement (V, 8). Pour aller plus loin. RACINE, le conteur derrière le dramaturge. Certes, la bienséance. Mais surtout, la dramatisation d'une scène par le récit racinien lequel est aussi une occasion, en insérant de l'action dans l'action, de dilater l'espace et le temps scéniques et de mettre le spectateur dans une autre forme de confidence. Comparaison des récits d'Albine et du récit de Théramène. L'alexandrin racinien, par Hervé Pierre (Sociétaire à la Comédie Française) "Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes!" https://soundcloud.com/comedie-francaise/mon-alexandrin-prefere-herve-pierre-britannicus Parcours associé: pouvoir et abus de pouvoir Évaluation (dissertation sur oeuvre) Modèle ministériel https://cache.media.eduscol.education.fr/file/FRANCAIS/84/7/RA19_Lycee_G_1_FRA_dissertation_(2)_1160847.pdf Sujet du DM pour le 04/01/2021 Dans Britannicus, qui est le monstre?
- Prépa oral / entrée dans le recueil
A destination des élèves de première: un oral audio en guise de piste de décollage à Port-Aviation... Objectifs: Participer activement à l'entrée dans le texte étudié ; travailler ses aptitudes orales Les élèves de mes deux classes ont été invités, pendant leurs vacances de fin d'année, à procéder à une répétition miniature de ce qu'on leur demandera au bac, oral de français, nouvelle mouture (réforme 2019) à savoir présenter une oeuvre (parmi les oeuvres étudiées ou lues en cursives, pour l'oral des EAF). Ici, il s'agissait, à ce stade de l'année, pour commencer, et faisant face à l'essoufflement ainsi qu'à la démotivation de nombre d'élèves, en milieu de bizarre-scolarité-COVID an II, de sélectionner un poème parmi les 65 d'Alcools, recueil que nous débutons, et de justifier son choix (qu'il soit une adhésion ou un rejet, peu importe le type d'intérêt ressenti, pourvu que ce soit étayé et discuté) et d'évaluer sa place dans une expérience de lecteur. Durée: 4 mn chrono. Format: audio. Pour rappel, j'avais déjà proposé l'exercice aux élèves de seconde 15, avec des conseils dispensés en amont: https://www.lydiablanc.fr/post/oral-choix-de-lecture Critères d'évaluation ici : https://www.lydiablanc.fr/post/oraldebac Sur cette page, on retrouve aussi l'exemple que je prends souvent, celui d'H. MARIENSKE (à vrai dire que je connais pas cette auteure et je n'ai pas pour projet de la lire mais c'est aussi une collègue et lorsqu'elle présente CELINE, elle le fait avec vivacité et pertinence qui me fournit un modèle profitable que je transmets régulièrement à mes classes.) Exploitation en classe L'ensemble servira à la classe de support pour aborder les différentes facettes du poète et du recueil immédiatement perceptibles dans le recueil étudié. L'éventail des regards posés par les élèves s'avère suffisamment ample pour rendre en compte en effet de plusieurs logiques à l'oeuvre dns le recueil, que nous examinerons plus attentivement au fil de la séquence. Le prof a classé, repris et ici figurent donc les prestations d'élèves inchangées, sélectionnées pour leur complémentarité et, malgré quelques défauts, erreurs ou maladresses, leur bonne qualité d'ensemble. On voit donc les annotations du prof dans le retour qui a été fait à chaque élève : en bleu, les choses à retenir, en rouge les points à revoir, en vert les points d'appui, validés). Ce type d'exercice permet de donner la parole à des élèves à des profils scolaires variés (pas que le premier de la classe à l'écrit - même si ça n'enlève rien à son mérite par ailleurs -), et que cela fournit aussi l'occasion aux élèves de proposer des résonances ou des échos d'une discipline, d'un champ linguistique à l'autre: par exemple, les élèves OIB ont pu faire appel à leur culture anglophone, même si les deux esthétiques sont très différentes entre Apollinaire et Carol Ann DUFFY, à la poétesse qu'ils viennent d 'étudier en littérature anglaise (the world's wife) . Compétences attendues cf. https://www.lydiablanc.fr/ressources/tags/oral Risque Tomber dans la micro-analyse du texte et le technicisme vain. Difficulté Articuler son expérience de lecteur à une incitation scolaire et un exercice intimidant (qui réclame un certain engagement de soi). Une élève m'y invitant, je me suis prêtée au jeu... avec une réussite toute relative puisque j'ai dépassé et Ô combien le délai imparti (100% de dépassement!).
- Pauvreté des hommes, richesse des textes?
séquence "littérature d'idées" (19e-21e s.) en seconde: groupement de textes: pauvreté et misère Programmation séquentielle Discussion "littérature/idées" : un oxymore? Qu'est-ce que la littérature engagée? Est-ce un passage obligé? La littérature d'idées recouvre -t-elle la littérature engagée? La pauvreté, un sujet "rentable" en art? Mais si ! Il mobilise et réactive des arrières-plans culturels chrétiens, il permet aussi de mobiliser des registres tragique et pathétique, aptes à nouer un lien rapide avec le lecteur ému ou frappé par des images impressionnantes ... La pauvreté, une occasion en or pour la littérature (et la culture en général) ?! C'est la thèse que l'on devine, en pointillés, dans le discours d'Eric VUILLARD : https://www.franceculture.fr/litterature/les-coulisses-du-prologue-de-la-guerre-des-pauvres-deric-vuillard HidA MURILLO, "le jeune mendiant" Entraînement à l'oral en enseignement hybride et merci à PM, NL et LL ! Au cinéma, N. LEBAKI: "Capharnaüm" Prix du Jury à Cannes (2018) : plongée dans la misère à Beyrouth non sans force hugolienne (le visage de l'enfance bafouée) Publications récentes cf. les marginaux, déclassés et précaires chez le prix Goncourt Nicolas MATHIEU Leurs enfants après eux (2018) parle aussi de destin et de déterminisme social, problématiques déjà exploitées par le Naturalisme (Frères GONCOURT, ZOLA...). Définir la "pauvreté" Définition économique et institutionnelle? Pauvreté relative ou monétaire? Qu'est-ce que la décence? Que sont les ressources "acceptables"? Quid des moyens/ coût de la vie en fonction des pays? Pour rappel l'Europe ne s'est mise daccord sur des "critères" et des "seuils" (50% ? 60% du revenu médian?) qu'en 2001 ! https://www.cnle.gouv.fr/definitions-de-la-pauvrete.html Le regard des sociologues S. PAUGAM (EHESS), qui revient sur des notions connexes: pauvreté/ inégalités / fragilité/ précarité / exclusion / disqualification sociale / désocialisation Le regard des historiens D. KALIFA, les bas-fonds imaginaire romantique empreint de pauvreté et dénuement Pour écouter le regretté D. KALIFA : https://www.college-de-france.fr/site/antoine-compagnon/seminar-2016-01-12-17h30.htm Etude iconographique réalisée par I. JABLONKA http://histoire-image.org/fr/etudes/aspects-misere-urbaine-xixe-siecle LA SEQUENCE Victor HUGO Présentation de l'écrivain http://www.senat.fr/evenement/archives/D24/hugo.html Guillaume GALLIENNE/ Un été avec HUGO pour France inter: Hugo engagé Texte préparatoire au Discours de 1849 Discours de 1849 http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/victor-hugo-9-juillet-1849 Pour aller plus loin: Les caves de Lille (1851) texte intégral (libre de droits) - compte-rendu de Victor HUGO député, écrivain et homme. Anthologie complémentaire sur la pauvreté et la misère en littérature DM de commentaire: François BON Activité préparatoire au commentaire Elaboration d'une problématique, collecte des indices corroborant l'hypothèse de lecture et établissement d'un plan d'étude organisé à partir d'un texte incontournable sur la misère: le Voreux, ce monstre qui avale les mineurs, selon Emile ZOLA Ce texte d'anthologie a été salué par O. Mirbeau: Zola vient de publier un roman : Germinal, qui possède toutes les qualités et aussi tous les défauts de ses aînés. C’est cependant un maître livre qui, en dépit des parti pris de naturalisme, révèle plus que jamais le tempérament romantique, lyrique même, de son auteur. Il y a dans Germinal des pages superbes, qui vous font couler dans l’âme des frissons tragiques, comme ceux dont vous secouent les sombres rêves du Dante. C’est dans l’enfer moderne, au fond sinistre des mines, dont les gueules béantes engloutissent chaque jour tant de proies humaines, que l’auteur a placé son drame effrayant. La France, 11 mars 1885. Ebauche de l'auteur: « La lutte du capital et du travail. Coup d’épaule à la société qui craque, la question la plus importante pour le XXe siècle. La révolution par la faim. Les Maheu. » Documents préparatoires de Germinal, NAF10307, f° 1. Point-méthode repérer, étayer, organiser son paragraphe de commentaire Texte de commentaire La pauvreté et la misère, fils rouges de l'oeuvre de Ken LOACH Quand la pauvreté génère un "style": le réalisme social au cinéma Le fond modifiant la forme: le cas Ken LOACH Extrait du dernier opus (analyse de séquence en classe) Sorry we missed you Pour aller plus loin, une idée de lecture : Le premier homme La pauvreté, dont Camus a écrit que le soleil algérien l'avait rendue "fastueuse" (pour l'opposer à la "misère"de la grisaille parisienne), a forgé son identité, et d'homme et d'artiste. Elle prend sa source dans la vie, enfant, à Bellcour auprè du frère, de la mère (Catherine Sintès) et de la grand-mère. Albert CAMUS à propos de son père Un homme dur, amer, qui avait travaillé toute sa vie, avait tué sur commande, accepté tout ce qui ne pouvait s’éviter, mais qui, quelque part en luimême, refusait d’être entamé. Un homme pauvre enfin. Car la pauvreté ne se choisit pas, mais elle peut se garder. et plus loin à propos de ses parents, miséreux d'un quartier pauvre (Belcourt, quartier d'Alger) : Comment faire comprendre d’ailleurs qu’un enfant pauvre puisse avoir parfois honte sans jamais rien envier ? Lecture cursive: Fl. AUBENAS, Le quai de Ouistreham (2010) Est-ce bien de la littérature? « La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu’en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l’impression d’un monde en train de s’écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place. J’ai décidé de partir dans une ville française où je n’ai aucune attache, pour chercher anonymement du travail… J’ai loué une chambre meublée. Je ne suis revenue chez moi que deux fois, en coup de vent : j’avais trop à faire là-bas. J’ai conservé mon identité, mon nom, mes papiers, et je me suis inscrite au chômage avec un baccalauréat pour seul bagage. Je suis devenue blonde. Je n’ai plus quitté mes lunettes. Je n’ai touché aucune allocation. Il était convenu que je m’arrêterais le jour où ma recherche aboutirait, c’est-à-dire celui où je décrocherais un CDI. Ce livre raconte ma quête, qui a duré presque six mois, de février à juillet 2009. J’ai gardé ma chambre meublée. J’y suis retournée cet hiver écrire ce livre. » Florence Aubenas
- Le sonnet du 16e au 17e s. (2nde)
Niveau seconde générale, première séquence de l'année (septembre-octobre) : la poésie du Moyen-Age au 18e siècle. Objectifs de méthode: initiation au commentaire (écrit et oral de bac) + initiation à la justification d'un choix de lecture (oral de bac) Anthologie Le groupement de textes Programmation séquentielle Louise LABE cf. séquence développée sur ce site Aimer, souffrir et aimer souffrir: le ton élégiaque Texte complémentaire: M. PROUST Pour aller plus loin, une ouverture HidA: l'esthétique de l'ambiguïté par Daniel ARASSE https://www.franceculture.fr/histoire/histoires-de-peintures-la-joconde Du BELLAY Sonnet 150 des Regrets, satire des courtisans Entrée dans le poème par la grammaire [en classe] pour développer la confiance en ses hypothèses de lecture et prendre conscience de l'indissociabilité fond/forme du texte littéraire en début d'année. CAS n°1 la psychologie du courtisan (éternel obligé et subordonné) par la subordonnée conjonctive de condition. Cas n° 2 [en classe] : les pronoms réfléchis Les élèves devaient réfléchir à une ouverture de conclusion. Des références pertinentes ont été apportées par les élèves d'une séance à l'autre. Extraits choisis. Proposition n°1. Plusieurs élèves ont proposé avec raison de se référer à LA FONTAINE, expert en relations (houleuses) de cour. cf. http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/courlion.htm Proposition n°2 (expliquée par l'élève au tableau, merci Alia !) PICASSO, Le courtisan (1969, sur céramique) série "les portaits imaginaires", https://www.gazette-drouot.com/lots/1533338 Proposition du prof. Dans la même veine que la proposition n°1, un Moraliste du 17e siècle, LA BRUYERE,"Arrias", « De la société et de la conversation », Les Caractères (1688). Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à la table d'un grand d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur : « Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit : « C'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de son ambassade. » Pour aller plus loin: un panorama poétique baroque et classique de la (cruelle) vie des courtisans RONSARD Débat en classe et organisation des impressions de lecture: a-t-on ici l'expression d'une angoisse devant la mort authentique ou artificielle? Le poème récité par le comédien JL TRINTIGNANT memento mori en poésie et en art avec GOYA cf. https://pba.lille.fr/Collections/Chefs-d-OEuvre/Peintures-XVI-sup-e-sup-XXI-sup-e-sup-siecles/Les-Vieilles-Le-Temps La vanité en art cf. http://filiation.ens-lyon.fr/vanite/vanite_B1.html et ce qu'en fait Damien HIRST au 21e s., itw pour la BBC, Tate Modern, Londres, retour sur "for the love of God" (2007) Pour aller plus loin, cf. Marina ABRAMOVIC ("carrying the skeleton", 2008) au MOMA: L'apprentissage du commentaire par les élèves de seconde (travail mené en 2019-2020) phase 1. Le commentaire semi-guidé à partir d'un sonnet de Ch. du PRE version élève version prof phase 2. le commentaire en autonomie à partir d'un sonnet de S.-G. de LA ROQUE sujet corrigé rédigé NOTA BENE. Le retour en classe après le confinement du printemps 2020 a obligé à une mise en place du programme de seconde plus progressive à la rentrée 2020 et a ralenti l'installation du commentaire en seconde, mise en oeuvre à la séquence suivante. (suite de la séquence) MALHERBE Corpus introductif : le tombeau et la consolation, qui posent la question de la rentabilisation du deuil en art Pour aller plus loin: idée-lecture, André VELTER, L'amour extrême (dédié à Chantal Mauduit) Poème préparatoire: consolation à Du Périer Problématique: de la déploration à l'argumentation Ouverture de conclusion La vengeance comme moteur poétique ou dramatique, qui construit aussi et le héros et le rapport (terreur & pitié) au héros SENEQUE, Thyeste, mes Thomas JOLLY (2018) EURIPIDE, Electre/Oreste, mes Ivo van HOVE (2019, Comédie Française) SCARRON Plusieurs réécritures d'un même motif, la muse déchue (extraits) RONSARD, Les amours de Cassandre (1545) (fin) Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vôtre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir votre beauté. SCARRON, "Vous faites voir des os" (début) Vous faites voir des os quand vous riez, Hélène, Dont les uns sont entiers et ne sont guère blancs ; Les autres, des fragments noirs comme de l’ébène Et tous, entiers ou non, cariés et tremblants. QUENEAU, "c'est bien connu", L'instant fatal (1948) Si tu crois petite si tu crois ha ha qu'on teint de rose ta taille de guêpes tes mignons biceps tes ongles d'émail ta cuisse de nymphe et ton pied léger si tu crois petite xa va xa va xa va durer toujours ce que tu te goures fillette fillette Et l'interprétation de Juliette Gréco Problématique mise en place avec les élèves sur le sonnet de SCARRON: blâme radical ou hommage paradoxal à la muse?
- L'oral en période d'enseignement hybride
Séquence la littérature d'idées, du 19e au 21e s. en complément à la séquence sur la pauvreté. Objectif: travailler l'oral et la capacité critique. Pour rappel, en première à l'EAF, les élèves auront une épreuve orale pour moitié fondée sur l'aptitude à défendre un choix de lecture. Circonstances particulières: suite aux mesures sanitaires, alternance par demi-classe (présentiel/distanciel). Là, les élèves en distanciel ont travaillé pour préparer la séance des élèves en présentiel qui verront le film en classe: ils leur présentent la séance avant diffusion, puis initient la discussion en proposant, après le générique de fin, matière à réfléchir. FILM, "La ricotta" (IT, 1963) par PP PASOLINI Deux présentations puis trois critiques du film par les élèves de 215 Attentes et acquis de l'exercice Pour aller plus loin
- La grammaire utile en seconde
OBJECTIF Entrer dans un texte par un phénomène grammatical (ici, syntaxique). En seconde générale, faire parler une étude syntaxique et asseoir la dynamique, infrangible, inévitable de ce lien forme/fond, expression/intention du texte. EVALUATION Points valorisés dans la copie: juste "étiquetage" d'ensemble des formes et phénomènes (en seconde, on ne rentrera pas dans le distinguo, même plus assumé par les grammaires contemporaines entre phrase composée et phrase complexe); expression soignée appui sur le texte réponse méthodique, ordonnée: d'abord le repérage, ensuite la tentative d'interprétation Point(s) à revoir: faiblesse de l'interprétation: toutes les données collectées et mises à jour dans la phase d'observation n'ont pas été rentabilisées dans la phase d'interprétation. Notation La copie numérique de l'élève (devoir-maison facultatif, délai 1 semaine) aurait donné lieu à un 15/20 en coeff. 0,5. Pour influer visiblement sur la moyenne de l'élève à la moyenne déjà confortable, la note de 15.5 permettait une prise en compte effective de ce travail. CODE-COULEURS dans l'e-devoir Souligné en VERT: ce qui est validé. Souligné en ROSE: ce qui est hors-sujet ou peu pertinent ici. (Ici, la distinction verbal/averbal ne se pose pas en termes de phrase mais de proposition). Souligné en BLEU: ce qui appelle une explicitation ou un développement.
- Mise à jour spéciale (covid-19)
Nov. 2020, enseignement hybride Les modalités précises du cours seront définies prochainement par le Lycée DUBY. Il va de soi que le cours de français maintient son lien étroit avec la classe, qu'il s'agisse de la formation initiale de lycée en seconde avec la mise en place de nouvelles méthodes, ou de l'apprentissage des œuvres au programme en première, en vue de l'EAF (bac français). Il convient de se reporter, comme d'habitude, aux contenus et annexes de cours déposés sur PRONOTE, de séance en séance. Sinon, un suivi du cours simplifié (pas besoin d'ordinateur, son smartphone ou sa tablette suffisent) est possible! Il suffit de télécharger l'app lydiablanc.fr , évidemment gratuite et disponible sur la plateforme Android, qui centralise un lot de ressources utiles: suivre le cours, réviser les méthodes, obtenir de la documentation ciblée et certifiée, lire et écouter des textes des grands auteurs, visionner des vidéos de complément au cours, profiter une culture accessible mêlant littérature, philo et arts, contacter le professeur d'un clic. Même loin de son ordinateur, à la cantine, dans le bus, dans son lit, on n'est jamais loin de la littérature : si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! Enseignement hybride, nov.2020 Les explications linéaires rédigées de la séquence en cours pour chaque niveau: En première [le roman: La Princesse de Clèves] https://www.dropbox.com/sh/ur2rqwyl7zqdfp2/AAAs-XZXPZ_Brmyxj7rKtT3Ja?dl=0 En seconde [la littérature d'idées: GT sur la pauvreté] https://www.dropbox.com/sh/88jhohywuuica91/AAAA1wxVUaxO0o92RXgWCRaMa?dl=0 Mars 2020. Télé-enseignement (covid19) Jusqu'à nouvel ordre et conformément aux instructions ministérielles , le lycée est fermé. La relation pédagogique ne se rompt pas pour autant: elle s'adapte et profite des nouvelles technologies pour établir un télé-enseignement. Mode d'emploi (généralités) Chaque niveau (1e, 2nde) est invité à suivre le cours aux séquences concernées, aux pages du site dédié, là où se trouvent déjà les textes à télécharger. Pour résumer le mode d'emploi, PRONOTE annonce les grandes échéances de travail (en suivant le calendrier habituel) quand mon site les développe et les enrichit. PRONOTE= version synthétique, mon site, aux pages et rubriques dédiées = version augmentée. La remise des travaux écrits se fera, de préférence, par voie électronique (à l'adresse lydiablnc [at] gmail [point] com ), ou à défaut, par dépôt du document (format word ou open office, suite bureautique gratuite) dans l'espace dédié de l'interface PRONOTE. Prochaines échéances de travail à télécharger, le calendrier de télé-travail en français pour les 215, 103 et 110 au printemps 2020: Modalités Le rythme de mise en ligne suit le rythme de nos cours habituels: 2 analyses littéraires par semaine ou 1 analyse littéraire + une activité complémentaire (étude d'oeuvre artistique, étude grammaticale ...). Cela signifie qu'un peu avant chaque cours prévu en classe entière, un nouveau document sera mis en ligne. Je conseille de regarder les vidéos en début de séquence pour en approcher les enjeux. Vous devrez consacrer 3 heures de travail hebdomadaire au français, le temps de: lire et comprendre les documents, prendre connaissance des consignes de travail, consulter les annexes audio ou vidéo, vous approprier le cours lu: le réécrire manuellement, résumer le cours, en noter les mots-clés et exemples, bref élaborer une fiche-mémo etc. Se contenter de parcourir le cours tapé et tout autant de le télécharger pour le stocker serait en effet parfaitement improductif ! Pour me joindre, ne pas hésiter à m'adresser un courriel (adresse supra). Nous pourrons alors, au besoin, communiquer par tél. ou planifier une visio-conférence (google duo par exemple). Je renvoie enfin à ce programme radiophonique inspiré, qui avec sérieux, explore le lien osé mais fructueux entre épidémiologie et création littéraire : D'ici là, prenez soin de vous, et lisez, par exemple la Peste de CAMUS, best-seller inattendu de 2020, soit 73 ans après sa parution !... ... mais pas que !) et restez connectés. Bien à vous, LPB
- Séance du 09/11 (GAFA mais... :/ )
(le roman, niveau 1e) ENQUÊTE (bref travail à la maison) Qu'attendons-nous d'un personnage romanesque? Que voyons-nous de lui? Comment nous rapprochons-nous peu à peu de lui? Compétence PIX Utiliser les sondages en ligne (ici Google Form) pour orienter le questionnement du cours et la problématisation de l'oeuvre étudiée (La Princesse de Clèves). Intérêts Impliquer chaque élève sondé dans la réflexion sur l'oeuvre et faciliter l'appropriation de ses enjeux. Résultats exploités au cours suivant
- E-copies
Une modalité non pas nouvelle mais renouvelée Pratiquée depuis de nombreuses années, la correction en ligne des copies, par partage de documents (facilité des multinationales à l'optimisation fiscale discutable mais à l'ergonomique diablement efficace...) s'est intensifiée ces dernières années avec : l'apparition de nouveaux publics scolaires désormais incorporés quasi automatiquement au lycée: moins autonomes, moins formés à la rédaction longue, ayant donc besoin d'un suivi rapproché pendant le processus d'élaboration du devoir; les périodes de confinement et d’enseignement hybride mêlant présentiel/distanciel du fait de la crise sanitaire de 2020: la transmission des travaux est forcément numérique si la notion-même de "contact" en pleine pandémie virale est un problème. Comment optimiser la correction d'une copie numérique en français en vue de la préparation à l'examen anticipé (EAF) qui, en français, repose désormais sur deux compétences écrites ambitieuses, le commentaire et la dissertation sur oeuvre ? L'intérêt du devoir numérique, ou e-copie, est pluriel: gain de lisibilité (les élèves savent qu'aujourd'hui on me catégoriserait sans peine comme "dysgraphique") ; cela officialise le devoir comme étant non pas un produit viscéralement personnel (d'où les crispations aussi à réception de la note; on se sent atteint dans son identité propre) mais un support transmissible et partagé, objet d'une relation de travail, amené à être amendé, repris, modifié = cela dé-sacralise le devoir mais matérialise aussi la relation de travail interactive avec le prof qui devient le partenaire de l'élève plus que le juge suprême, détenteur de la note-sanction. mieux équilibrer les zones réussies des moments du devoir perfectibles ou sanctionnés. Ce qui est réussi est davantage mis en valeur: la confiance de l'élève en ses qualités, matérialisées et manifestement reconnues, est aussi revue à la hausse. Modifie la perception d'un devoir: le devoir en tant que matériau modifiable (document dans lequel le rédacteur et le correcteur peuvent tous deux, à égalité, intervenir) apparaît moins comme un résultat que comme un processus. La note y est un des aspects parmi d'autres de l'échange avec le prof, de sorte que la note-sanction est minorée ; en retour, le devoir est véritablement un travail, en train de s'élaborer, et susceptible d'être retaillé/remodelé/réagencé/reformulé. Sans doute l'image du travail est-elle plus artisanale. Si chaque élève n'est pas Flaubert dans ses six années d'affres et de brouillons successifs, cela rapproche quand même l'élève d'un écrivain de son propre texte, qui, soucieux de l'arranger, le reprendre plutôt que de le rendre une fois pour toutes, est disposé à accepter la reprise d'un fichier numérique d'un clic ou presque. Là, c'est la simplicité de la manipulation facilite son exécution (ce qui ne veut pas dire que ce soit la fin des migraines pour améliorer une dissertation ...). Plus spécifiquement en français, en vue du bac de français (qui se prépare en deux ans mais s'intensifie évidemment en première) L'élève peut faire défiler son travail et très vite, obtient une vision globale et même panoramique de longs travaux étalés sur plusieurs pages: pratique et utile pour appréhender le souci de cohérence, de progressivité et les problèmes de redite dans un devoir. Conséquence, l’appréhension des proportions est également facilité puisque les pages peuvent être affichées toutes ensemble (pdf Acrobat le permet par exemple) : proportion entre le corps du raisonnement (développement) et ses marges (introduction, conclusion) ou équilibre à grande échelle du devoir (déploiement de la copie, certaines parties étant démesurément longue ou au contraire, trop ramassées...). Le code-couleurs employé Il doit permettre à l'élève : de garder en tête l'essentiel des attentes dans une copie, qui se résument à quatre, cinq écueils principaux (cela évite l'éparpillement des attentes où tout se vaudrait, une erreur d'étiquetage stylistique ou une impropriété ne valant pas un contresens): resserrement des attentes, plus facile (au sens de moins écrasante et inaccessible) à penser pour le jeune rédacteur de lycée. repérer de quel type, quel degré d'erreur sa copie relève (le plus) pour y être plus attentif à l'avenir et apprécier l'évolution de ses aptitudes à l'écrit d'un devoir à l'autre, tous les devoirs pouvant être aisément retrouvés, stockés ensemble puis juxtaposés et comparés au besoin : inscription de chaque devoir dans un série de devoirs, i.e. dans une progression continue. le fait de traduire les erreurs et écueils en zones de couleur permet d'objectiver la correction de copie et donc la relation au professeur : ce n'est pas madame X qui corrige (sanctionne/pénalise/sabre/s'archarne contre etc.) l'élève Z, mais une copie qui fait face (surmonte ou pas) tel ou tel enjeu rédactionnel, tel ou tel enjeu intellectuel sur telle ou telle consigne à tel moment de l'année. Effets vertueux La relation avec l'élève, moins sèche que remise de copie/délai de correction/retour brutal de la copie notée, inscrite dans un dialogue constructif retisse aussi le lien avec des élèves heureux de constater qu'on leur consacre autant de temps individualisé donc flatteur du moins rassurant. Le petit échange informel mais soigné qui accompagne la trajectoire du document (navette aller/retour) constitue de fait une éducation à sociabilité virtuelle (en ligne), et permet de matérialiser le rapport courtois et efficace entre deux partenaires de travail. L'enfant est mieux préparé au dialogue en vigueur dans la vie adulte et en particulier dans le monde du travail (de l'entreprise et de l'administration, par exemple), avec un ton et des manières de faire plus professionnels. Quelques réserves Le facteur-temps, côté enseignant, comme tout travail individualisé et parfois même démultiplié puisqu'un devoir numérique peut procurer la tentation, à contrôler, de multiplier les exemplaires par élève, par devoir (le modèle flaubertien ou l'exemple de Gaston Miron -réécrivant 7 fois son unique recueil- peuvent faire mal au prof !); la multiplication des versions successives peut être un gouffre (heureusement les perfectionnistes sont moins nombreux que l'inverse^^). Peut-être le leurre de l'instantanéité qui pourrait générer des élèves et parents consuméristes adeptes du tout-tout-de-suite mais en vérité ce type d'exigence ne m'est jamais arrivée: les élèves (et leurs familles) constatant que le travail est fait avec application de surcroît, sont compréhensifs et comprennent que le délai de correction par devoir au lycée soit hélas incompressible, peu ou prou toujours égal à 10-15 j. en moyenne. Les moyens matériels : l'inégalité informatique et numérique est un obstacle. La question des équipements, du lieu d'étude et de travail personnel dans les habitats est un versant social non négligeable, et douloureux, de la numérisation de l'enseignement. C'est d'ailleurs ce qui explique que cette modalité soit toujours offerte et jamais imposée. Exemples de travaux corrigés en 2020/21 En première en 2020/21, le pari a été de poser d'emblée et ensemble les trois exercices les plus redoutés : deux en vue de l'écrit, le troisième en vue de l'oral. NOTA BENE Les travaux ci-dessous, reproduits tels quels, ont été réalisés en octobre-novembre 2020, dans un contexte sanitaire très particulier qui a modifié tout l’apprentissage tout au long de l'année civile 2020 et dont il a été tenu compte, avec une notation sensiblement adaptée pour remotiver les élèves et accompagner -dans certains cas, initier- ce retour aux perspectives de baccalauréat. Commentaire coeff.1 une copie fragile une copie encourageante une copie déjà plus aboutie Dissertation coeff.1 copie fragile copie bien maîtrisée Grammaire coeff.0.5 copie déjà bien avancée
- Défendre son choix de lecture (2/2)
Un choix de lecture bien défendu (discussion riche, vivante, angle d'attaque original, bonne compréhension et recul critique dans son argumentaire, le tout dans une langue audible, choisie et clairement énoncée) doit donner envie de relire le texte. C'est le cas pour ces présentations audio d'élèves de 215, à partir du recueil (lecture cursive de la séquence poésie consacrée au sonnet des 16e au 17e siècles). RAPPEL des conseils et critères d'évaluation: https://www.lydiablanc.fr/post/oral-choix-de-lecture ) (NOTA BENE les élèves concertés ont résolu de "parapher", numériquement du moins, leur travail audio.) Le choix de NL: sonnet 17 #hyperbole #satire #courtisans #mort #provocation #défi Le choix de PM: sonnet 139 #cour #courtisans #hypocrisie #liberté #actualité #carriérisme #naturehumaine #messageperpétuel Le choix de CL : sonnet 68 #stéréotype #caricature #autocritique #ironie Le choix de CE : sonnet 26 #Ronsard #amitié #prévention #attentiondanger #mer #Ulysse #merveilleux #poétique
- Montaigne "des cannibales" et "des coches"
"Notre monde vient d'en trouver un autre " (Essais, III, 6) Programmation séquentielle NOTA BENE sujet de dissertation modifié, cf. bas de cette page web (faire défiler). Défi du jour: Montaigne en 2mn chrono par Fr. BUSNEL / FranceTV par la collection Folio/Gallimard Synthèse comparative Corpus étudié "Des cannibales", I, 31 "Des coches", III, 6 Présentation radiophonique ("les chemins de la philosophie"/ France Culture): Le texte lui-même, débutant par "Notre monde vient d'en trouver un autre": Quiz préparatoire Quelques repérages, guidés, en guise d'introduction aux 3 textes de MONTAIGNE qui constituent le socle de notre séquence Oeuvre intégrale par extraits: édition conseillée conseillée seulement (pour sa traduction en français moderne par André LANLY) Présentation & actualité de MONTAIGNE Page BNF : présentation de Montaigne , de son oeuvre et sa démarche philosophique MONTAIGNE & le confinement, art. Libération du vendredi 02 avril 2020 par Antoine COMPAGNON (prof.de littérature française au Collège de France) Cf. Un été avec Montaigne, France inter et https://www.college-de-france.fr/media/antoine-compagnon/UPL66272_Compagnon.pdf Une énigme: la religion de MONTAIGNE? Retour sur la fin des "Cannibales" à compléter par: https://www.ehess.fr/fr/ouvrage/montaigne-montaigne où l’anthropologue a plutôt tendance à associer MONTAIGNE aux idées protestantes (véhiculées notamment par J. de LERY qui a diffusé ses écrits peu avant la publication des Essais) MONTAIGNE, l'homme pluriel mais d'un seul ouvrage (les Essais) : Moi à cette heure, et moi tantôt, sommes bien deux. Quand meilleur, je n’en puis rien dire. (1505) (...) Je n’ai pas plus fait mon livre, que mon livre m’a fait. Livre consubstantiel à son auteur » (II, 18, 665, 1026) ; et « qui touche l’un, touche l’autre (III, 2, 806, 1258). Parcours "Civilisation et sauvagerie" Aux origines du "bon sauvage" Jean de LERY, Histoire d’un Voyage fait en la terre du Brésil (1578) L’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil constitue l’œuvre principale de Jean de Léry. Dans ce tableau du monde sauvage, l’auteur dépeint la nature brésilienne et les coutumes de l’ethnie « Tupinamba ». Toutefois avant de clore ce chapitre, c'est ici le lieu de répondre tant à ceux qui ont écrit, qu’à ceux qui pensent que la fréquentation entre ces sauvages tout nus, et principalement celle des femmes, incite à lubricité et paillardise. Sur quoi je dirai en un mot, qu'il est vrai, comme on peut s'y attendre, qu' il n’y a que trop d’occasion d’observer qu’outre la malhonnêteté de voir ces femmes nues, cela ne semble aussi servir comme d’un appât ordinaire pour susciter la convoitise : toutefois, pour en parler selon ce qui s'en est communément aperçu alors, cette nudité, si grossière chez ses femmes est beaucoup moins attrayante qu’on ne croirait. Et partant, je maintiens que les parures, fards, fausses perruques, cheveux tortillés, grands collets frisés, vertugadins, robes sur robes, et autres infinies bagatelles dont les femmes et filles de par deçà se contrefont et n’ont jamais assez, sont sans comparaison, cause de plus de maux que n’est la nudité ordinaire des femmes sauvages : lesquelles cependant, quant au naturel, ne doivent rien aux autres en beauté. (...) Mais ce que j’ai dit de ces sauvages est, pour montrer qu’en les condamnant si austèrement, de ce que sans nulle vergogne ils vont ainsi le corps entièrement découvert, nous ne sommes pas plus louable avec nos excès en l'autre extrémité, c'est à dire par notre luxe,nos superfluités et excès en habits. Et plût à Dieu, pour mettre fin à ce point, que chacun d'entre nous s’habillât modestement plus pour l’honnêteté et nécessité, que pour la gloire et mondanité. Le discours de l'anthropologue Claude LEVI-STRAUSS, Race et Histoire (1968) L'attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu'elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n'est pas de chez nous », « on ne devrait pas permettre cela », etc.., autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens. Or, derrière ces épithètes se dissimule un même jugement: il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l'inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain; et sauvage, qui veut dire «de la forêt », évoque aussi un genre de vie animal par opposition à la culture humaine. [...] L'humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village; à tel point qu'un grand nombre de populations dites primitives se désignent elles-mêmes d'un nom qui signifie les «hommes » (ou parfois - dirons-nous avec plus de discrétion? - les « bons », les « excellents » , les « complets »), impliquant ainsi que les autres tribus, groupes ou villages ne participent pas des vertus ou même de la nature humaine, mais qu'ils sont tout au plus composés de «mauvais», de « méchants », de « singes de terre » ou « d'œufs de pou ». On va souvent jusqu'à priver l'étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un « fantôme » ou une « apparition». Ainsi se réalisent de curieuses situations où deux interlocuteurs se donnent cruellement la réplique. Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l'Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d'enquête pour rechercher si les indigènes avaient ou non une âme, ces derniers s'employaient à immerger des Blancs prisonniers, afin de vérifier, par une surveillance prolongée, si leur cadavre était ou non sujet à la putréfaction. [...] En refusant l'humanité à ceux qui apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie". Paradise lost ? Michel TOURNIER Vendredi & Robinson, une acculturation réciproque? Paul GAUGUIN "Je suis un sauvage!" Mais comment devient-on sauvage?! https://www.franceculture.fr/philosophie/gauguin-ou-la-vie-sauvage-jetais-un-autre-homme-un-sauvage-un-maori Le barbare n'est pas celui que l'on croit... Lisa REIHANA artiste plasticienne néo-zélandaise (descendante de Maoris par son père), revient sur l'installation des colons blancs, dans une installation vidéo très remarquée, présentée récemment au Quai Branly; elle dénonce le mythe des "bons sauvages" civilisés ("policés" dirait-on au 16e s. de MONTAIGNE par l'homme blanc: Le siècle des Lumières, héritier de l'Humanisme Cf. pour rappel, un passage de l'Encyclopédie, ici par le Chevalier de JAUCOURT, l'article "Traite des Nègres" À qui est-il permis de devenir opulent, en rendant malheureux ses semblables ? Peut-il être légitime de dépouiller l'espèce humaine de ses droits les plus sacrés, uniquement pour satisfaire son avarice, sa vanité, ou ses passions particulières ? Non... Que les colonies européennes soient donc plutôt détruites, que de faire tant de malheureux ! "Le regard éloigné" chez MONTESQUIEU: lettre 37 des Lettres persanes Bons et mauvais sauvages? (parcours) Du discours sur l'autre au discours par l'autre Le diaporama suivant se place en cours, entre les séances consacrées à l'étude des extraits de MONTAIGNE et les deux textes de parcours associé, DIDEROT et Fr. FANON. Parcours associé: Frantz FANON Corrigé du commentaire Frantz FANON présenté sur ce site académique martiniquais mais aussi sur la première chaîne publique martiniquaise et sur TV5-Monde: https://information.tv5monde.com/info/frantz-fanon-grand-penseur-des-luttes-anti-coloniales-6737 Pour aller plus loin Césaire et la Négritude, ou quand l'indien/le "nègre"/le barbare répondent (enfin) ... Le regard historien sur les barbares & les sauvages Par François HARTOG, prof. d'histoire grecque, dir. d'études à l'EHESS Decembre 2012 Francois Hartog Les Barbares by lyblanc on Scribd groupe de recherches ACHAC, les "zoos humains" Programme Zoos Humains WEB by lyblanc on Scribd ALERTE TV Sur France 5 le 14.10.2020, doc "stupéfiant". Intervenants: Daniel MAXIMIN, Pap N'DIAYE, Pascal BLANCHARD ... https://www.france.tv/france-5/le-doc-stupefiant/1987739-modeles-noirs-regards-blancs.html Grammaire en classe Entrainement à la maison facultatif Dissertation Sujet 1 (juin 2020): Pour CICERON, une argumentation doit réunir ces trois fonctions : docere (instruire), delectare (plaire) et movere (toucher). En quoi MONTAIGNE remplit-il ce triple objectif ? Sujet 2 (octobre 2020): à partir de JM-G LE CLEZIO (ERRATUM entretien du 19 sept et non du 11 sept '14) Dans un entretien donné au journal Le Monde (19/09/2014), J.-M.-G. LE CLEZIO affirme avoir trouvé dans l’Île Maurice de son enfance un modèle de « coexistence » (entre les peuples). Dans quelle mesure les deux chapitres des Essais que vous avez étudiés donnent-ils (déjà) à voir cet idéal de la « coexistence »? Pour l'entretien dans sa totalité : https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2014/09/19/1913/ Aide au devoir de dissertation Extraite du sujet EAF séries techno, sept.2020 S. ZWEIG, Erasme, grandeur et décadence d'une idée (1935), trad. A. HELLA Proposition de corrigé Ouverture de conclusion possible Michel VINAVER, 11 septembre 2001 (l'arche, 2002) Idées de lecture JC RUFIN, Rouge Brésil (Gallimard, 2001) L. BINET, Civilizations (Grasset, 2019)















