La dissertation (sur oeuvre) (réforme 2019)
On consultera, sur le site ministériel éduscol, les objectifs et le format de la dissertation sur œuvre, tels que les entend le Ministère.
L'esprit de l'exercice
La dissertation n'est en aucun cas un (simple) résumé de l'œuvre (dans sa signification littérale, par exemple l'intrigue d'un roman ou d'une pièce).
Une bonne dissertation sur œuvre éclaire sous un autre jour les termes du sujet (à identifier, à reprendre, à manier, à questionner), une notion, un problème littéraire, mais elle doit aussi engager une lecture rétroactive de l'œuvre étudiée sur laquelle on s'appuie.
Ce qui est évalué, c'est bien la pensée (progressive, hiérarchisée, approfondie) du candidat qui doit non pas admettre ou affirmer mais démontrer quelque chose à partir du sujet.
C'est la dimension critique de la dissertation qui doit établir ce qu'elle dit, définir et redéfinir, mass aussi oser discuter, c'est-à-dire pointer des limites, des insatisfactions, des manques du sujet.
Le candidat met en œuvre un raisonnement personnel, progressif et soutenu par des exemples empruntés à l'œuvre-support.
Problématiser
Il faudrait demander à nos collègues philosophes (et aux mathématiciens, aussi!) qui peuvent fournir des définitions affinées mais grosso modo,
Raisonner = exercer sa raison en tant que capacité de démonstration et de déduction pour établir une affirmation tenue pour valide (et admise pour vraie). Cela requiert une analyse rigoureuse, et exige que l'on distingue des éléments, identifie des enjeux, établisse un ordre des opérations mentales (on se fixe un plan d'étude, qu'on annonce en introduction et qu'on suit rigoureusement).
Il ne s'agit ni de juger l'auteur ou les personnages, ni de dire ce qu'on like ou pas, ni se rabattre sur l'actualité récente, ni de réciter le cours, ni de résumer l'œuvre.
Une réflexion progressive
Une bonne dissertation nous fait passer, comme toute réflexion intellectuelle, d'un point de départ (un certain état des lieux) à un point d'arrivée, un point d'aboutissement, bref à des résultats au terme de la copie.
En français, ce qui est en plus requis, c'est que tout cela doit s'opérer en s'appuyant sur l'œuvre étudiée.
OUI, la référence aux textes du parcours associé est possible mais c'est bien l'œuvre étudiée qui demeure le centre de gravité d'une dissertation sur œuvre. Tout doit s'y référer et servir son explication.
Il faut faire dialoguer les mots du sujet (à identifier, expliciter, questionner) chacun pour lui-même et entre eux, avec l'œuvre-support.
Problématiser = reformuler, questionner, critiquer
= gamberger à ce que ça dit, ne dit pas, fait dire
ou, dit autrement, à ce que ça suppose, ce que ça entraîne.
J'ai entendu une fois une collègue de philo du lycée employer cette juste définition de la problémaisation, terme qui semble toujours barbares pour nombre de nos élèves, alors qu'elle est la clef d'une bonne dissertation :
"poser des questions à la question".
Se précipiter sur internet ou autre n'a aucun intérêt pendant le travail de dissertation sur œuvre. Rien ne remplace le travail de cogitation (dit autrement, de "gamberge") à partir du sujet, incompressible et qui, me concernant, me prend 50% du temps que je peux consacrer à un travail de dissertation (rédiger me prend ainsi bien moins de temps de comprendre le sujet et concevoir le cheminement intellectuel que je prendrai).
C'est seul(e) face au sujet et dès le début, qu'il faut adopter une disposition mentale, en prenant le temps pour cela : se rendre tout à la fois
accueillant (prendre le sujet pour ce qu'il dit, ne pas balayer sa légitimité ni ses significations),
prudent (vérifier d'où l'on part, de quelle acception ou connotation du mot du sujet, de la notion on part)
et méfiant (que voudrait-on nous faire dire? Le sujet est-il acceptable en l'état?) vis-à-vis du sujet posé.
C'est de la profondeur, du détail, de la plasticité et de l'inventivité de vos questionnements que dépendent la qualité de la réflexion qui va servir d'ossature à toute la dissertation.
On doit, pour chaque sujet de dissertation, commencer par lire la question posée, la relire, la reformuler au besoin et la décomposer, comme suit.
Pourquoi le sujet en est-il venu à se poser? Que suppose le sujet posé ainsi?
Que signifient en général, la plupart du temps, les mots du sujet? Que fait-on dire en général, la plupart du temps à l'œuvre étudiée ?
Les mots du sujet collent-ils bien à l'œuvre? Conviennent-ils? Sonnent-ils mal entre eux et lorsqu'on les met en relation avec le sujet ? Auriez-vous dit les choses en ces termes? Les mots sont-ils excessifs? Justement trouvés? En deçà de la vérité?
Quel est l'aboutissement naturel, i.e. sous-entendu du sujet si on le prend au pied de la lettre? Qu'est-on porté à croire?
Un PRÉALABLE fondamental: définir & faire parler les termes du sujet
Repérer le mot-clé, le nœud du sujet; si le sujet comprend deux mots-clés, engageant deux notions, deux idées, les examiner chacun pour lui-même puis étudier leur interaction (surenchère de l'un par l'autre? Concurrence? Opposition? Compatibilité?)
Rechercher le sens des mots: installer une app-dictionnaire (Larousse, Le Robert) (payante) sur son smartphone ou sa tablette, ou un cd-rom du dictionnaire. Ou bien, chercher sur Le Littré numérisé et mis en ligne. Chercher l'étymologie, le sens premier/second, propre/figuré du mot, bref, étudier l'origine du mot, son historique, son évolution (glissement de sens éventuel dans l'usage etc.), et réfléchir à partir de ses éventuelles connotations (péjoratif vs laudatif).
Pour aller plus loin, cette plateforme lexicale et morphologique, précise et maniable, générée par le CNRS:
Recenser les expressions toutes faites, locutions figées, tournures dans lesquelles le mot-clé repéré apparaît: quel sens donne-t-on alors au mot? Quel(s) sous-entendu(s)? Quelle(s) connotation(s)?
NOTA BENE: cette réflexion sur les mots du sujet ne donnera pas, tel quel, un paragraphe en introduction. Elle permet de déclencher et diriger le questionnement. Ses résultats se retrouveront tout au long de votre raisonnement au fil de la dissertation.
ASTUCE : Pour lancer le questionnement, récapituler comment on a compris l'œuvre étudiée, et se demander quelle question de dissertation on aurait, si l'on avait été concepteur de sujet de bac, donnée à ses élèves. Cette petite opération mentale permet de réactiver en soi l'interprétation que l'on a réalisée de l'œuvre et ce que l'on y a identifié de fondamental.
Condition sine qua non : connaître l'œuvre
A partir de la session des EAF 2020, au sein des épreuves écrites, la dissertation est une dissertation sur œuvre, c'est-à-dire qu'elle portera, non plus sur une grande question littéraire d'ensemble, mettant en jeu tout un genre ou toute une tradition littéraire, mais bien sur un support resserré, à savoir une des œuvres au programme, et sera à l'écrit, un des deux exercices au choix (commentaire OU dissertation), pendant 4 heures.
Si le commentaire porte sur un texte peut-être inconnu du candidat (on peut espérer cependant, sur un texte issu du grand patrimoine littéraire francophone du 16e siècle à nos jours), la dissertation portera donc forcément sur un travail accompli pendant l'année scolaire: le candidat sérieux sera valorisé pour sa maîtrise de l'oeuvre.
La dissertation se pratique, au bac écrit, SANS le livre.
On pourra, afin de préparer des exemples à commenter dans sa copie, apprendre des citations de l'œuvre.
Les deux présupposés de l'exercice et les deux conditions de sa réussite sont:
une connaissance précise de l'œuvre, avec une capacité à en citer ou désigner des passages significatifs, pris comme appui ou illustration du raisonnement sur le sujet posé;
une exploitation finement critique de la formulation du sujet: il faut faire parler les mots du sujet, voire étudier leurs présupposés mais aussi ce qu'ils sous-entendent et ce qu'ils impliquent.
L'intégration des références à l'œuvre
Citer ?
La dissertation sur œuvre se doit se référer à l'œuvre, en pointant et en exploitant des passages précis (identifiables, aisés à retrouver) textuellement cités ou résumés, mais incorporés à l'étude ; on peut ainsi intégrer des formules éclairantes, des citations ciblées (pas de paragraphes entiers, des strophes entières ou des tartines de texte en revanche) et veiller à ce que l'utilisation de ces passages (des mots ou groupes de mots au plus, donc) soient intégrés avec fluidité dans le corps de votre propos: n'isolez pas artificiellement le texte cité.
Se constituer un "stock" de références en vue de l'examen
Le jour du bac, le candidat ne dispose pas de l'œuvre: seront avantagés ceux qui disposent d'une bonne mémoire ou se seront constitué, tout au long de l'année scolaire, un répertoire de citations brèves, pertinentes, aisément réutilisables, bref se seront constitué un un stock de références et citations, tout prêt à l'emploi, dans un coin de sa mémoire, qui comporterait des formules-clés et des formules éclairantes sur l'œuvre ou des dimensions de l'œuvre littéraire étudiée (par exemple organisé par thèmes présents dans l'œuvre, ou bien texte par texte, extrait après extrait étudié...).
On conseille par exemple aux élèves de première, directement concernés par l'exercice de dissertation sur œuvre au bac, de se constituer au fil ou au terme de chaque séquence un recueil de citations, sous forme de carnet de lecture, ou, à à partir des textes étudiés, sous forme de padlet ou équivalent, dont j'ai fourni ici un exemple: https://www.lydiablanc.fr/post/réviser-montaigne
Pour quel rendu ?
Cf. sur mon site des exemples de dissertation sur œuvre traités: https://www.lydiablanc.fr/post/la-dissertation-sur-oeuvre-exemples mais également https://www.lydiablanc.fr/post/e-copies (en fin de page web, des exemples de bonnes copies de dissertations sur œuvre comme on les attend désormais au bac) qui ont su intégrer des exemples à leur raisonnement.
Conventions rédactionnelles et architecture du devoir
Inchangées par rapport à ce qui se pratiquait et se préparait au lycée jusqu'à présent:
un propos intégralement rédigé, c'est-à-dire qui fait disparaître toutes les marques du brouillon, du plan et tout signe mathématique (sauf numéros de vers, lignes et dates) ou toute abréviation.
Un propos général et adoptant un ton neutre et expert au moyen d'une langue soignée.
On évitera ainsi la posture subjective (première personne du singulier "je" à proscrire: on préférera le ton objectif d'un "on" ou "nous" de modestie ou "il" impersonnel dans "il s'agira de...").
On se gardera de tout jugement personnel sur l'auteur ou sur l'œuvre: "l'auteur a bien fait de..." , "le texte va trop loin en affirmant que...", "le poème, très réussi, ...".
On pensera enfin à adapter son niveau de langue à cette qualité d'analyste-expert du texte visée: pas de "l'auteur en fait des tonnes" qui pourra être exprimé ainsi: "l'auteur ne ménage pas ses effets" ou "L'auteur procède par hyperbole et insiste sur...".
ÉTAPES du devoir
En introduction,
on présentera le mot-clé ou la notion-clé (exprimée ou sous-entendue) du sujet,
éventuellement l'historique de la notion
reprendre la question = la problématiser: il s'agit là, étape cruciale, de "poser des questions à la question", faire parler le sujet (en détecter les nœuds, les zones d'intérêt);
puis son plan prévisionnel (grandes parties: deux ou trois), dans ses grandes lignes (on gardera la détail de la mise en œuvre pour le développement).
Au développement, aisément repérable (saut de ligne avant, saut de ligne après) à l’œil nu: on veillera à ménager ample, étayé, et progressif au moyen de sous-parties (repérables au moyen d'un alinéa au début du paragraphe) au sein d'un devoir aéré (ne pas hésiter à sauter des lignes, mais seulement quand c'est nécessaire, par exemple pour isoler le développement central).
On pensera à placer les éléments forts de son raisonnement ou plus originaux, voire polémiques, en fin de développement.
Chaque lancement de grande partie (= prenant la forme d'un titre dans le brouillon: vos I, II, III éventuel) devra contenir le mot-clé et jouer avec (le renforcer, le contredire, le prendre comme point de départ, le redéfinir).
Ne pas oublier de fréquemment reprendre le mot-clé du sujet: on part de ce mot-clé et on revient toujours à ce mot-clé, véritable point névralgique du sujet.
C'est dans le développement qu'il faut justifier ses affirmations par des recours au texte (pour un devoir en six sous-parties, cela fait au moins six références ciblées à un passage de l'œuvre, passage expliqué, exploité, mis au service d'une étape de notre raisonnement. Ce passage peut-être littéralement cité (pour ceux qui sont dotés d'une bonne mémoire!) ou simplement évoqué, mais alors avec un bon degré de précision tout de même. La règle est qu'on ne dit rien de gratuit. Ce qu'on dit, on a des raisons de le dire, et on en retrouve une illustration dans l'œuvre étudiée support du sujet posé. On peut aussi, dans une moindre mesure, faire référence au parcours associé pour apporter une preuve supplémentaire. Idem des œuvres de lectures cursives, qui peuvent aussi faire office de références extérieures aptes à valoriser une étude d'œuvre en offrant des points de comparaison ponctuelle.
La conclusion, en deux sous-parties:
fait le point sur l'avancée de la pensée, résume les grands étapes du cheminement suivi (= phase-bilan): On veillera au chemin parcouru du point de départ (la doxa, les idées reçues, les évidences de départ d'abord suscitées par le sujet) jusqu'au point d'arrivée (ce que notre raisonnement a mis à jour). Une dissertation réussie permet toujours de dépasser les mots de départ du sujet pour les re-définir au bout du compte.
puis ouvre la perspective (= ouverture) en tentant de poser le même problème à une autre œuvre littéraire ou un autre art (= exemple supplémentaire, inédit, 'extérieur' rapidement commenté pour en prouver la pertinence). Comme toujours, on veillera à ce que la référence (à une œuvre voire à une pensée critique, à un commentaire de spécialiste), soit bien calibrée (ni trop floue ni trop développée), valorisante (pas de référence opportuniste à l'actualité et la vie des médias, pas de référence trop générationnelle ou considérée comme trop grand public), transmissible (à quoi bon une référence à un domaine culturel inconnu ? - ex. référence à un écrivain moldave du 19e siècle ... certes mais n'y avait-il pas plus évident et percutant ?).
On évitera donc la question trop ouverte ("Et on se peut se demander quel est le destin de l'homme." - Hum hum ...) (Des générations de philosophes ont déjà essayé, sans réponse !) ou trop évidente ("On pourra se demander si dans le roman aussi il n'existe pas d'anti-héros.") (question déjà résolue à laquelle un minimum de culture répond déjà sans ambiguïté: oui, il y en a, et plein!).
EXEMPLE de mise en œuvre conforme
FAQ
Euh... l'intérêt d'une dissertation?
Montrer, au fond, que l'œuvre lue et étudiée, est complexe, originale, intéressante, que c'est une œuvre de qualité (qui justifie d'être donnée à étudier à des lycéens capables de comprendre, évidemment.)
Une bonne dissertation montre toujours qu'au-delà de son sens littéral, une œuvre littéraire est riche de sa complexité et de ses implications.
Quels critères d'évaluation pour une copie de dissertation?
La bonne prise en compte des termes du sujet, qui ne doivent ni être évacués ni sous-estimés, ni être aveuglément approuvés ou pris pour acquis. Il ne faut pas hésiter à chercher leur signification dans des dictionnaires et évaluer ce qu'ils veulent dire, comment ils sont d'ordinaire employés, s'ils se rattachent à un champ sémantique ou à un contexte particulier, s'ils font encore écho ou pas, s'ils sont obscurs ou pas, imagés ou pas... (cela est à évaluer et commenter au besoin!) etc.
La bonne connaissance d'une œuvre lue, comprise, étudiée.
La qualité rédactionnelle (langue française, syntaxe, style, précision et justesse du vocabulaire),
La fluidité et la logique d'un raisonnement (attention aux répétitions ou incohérences),
l'originalité et la profondeur d'une réflexion personnelle critique sur une œuvre littéraire. Savoir exploiter le moindre aspect de l'œuvre, faire parler des exemples, aller au-delà du sens littéral sont des atouts.
Y a-t-il un plan-type ?
Non, il y a autant de plans que de visions de la question posée et que de manières de voir et analyser une oeuvre. Néanmoins, il serait idiot de balayer d'emblée le sujet tel qu'il est posé (ce qu'il dit, ce qu'il sous-entend, ce qu'il implique) parfois formulé au moyen d'une citation (de critique ou spécialiste universitaire) et on attend quand même de tous les candidats qu'ils commencent (dans une première grande partie) par justifier les termes du sujet, pour en questionner ensuite les limites voire les impasses. Il y a donc quand même des zones attendues mais pas "passages (strictement) obligés" dans une dissertation.
Et si je ne pense pas "comme le correcteur de bac"?
Le correcteur a peut-être une vision du sujet et une lecture de l'œuvre, mais rien ne dit qu'elle soit immuable (elle peut varier avec le temps au gré de ses relectures) (cela nous arrive à tous de varier ou affiner un premier avis sur une œuvre au fil de nos relectures ou re-visionnages au tout simplement au regard de notre expérience, en mûrissant et en vieillissant).
Le correcteur a l'obligation morale et déontologique (c'est l'essence-même de son métier) de valoriser la réflexion des élèves, son métier n'est pas d'imposer sa vision aux élèves.
Le correcteur espère même sans doute au fond de lui, que le regard des candidats va lui apporter des choses qu'il n'avait pas vues ou avait sous-estimées. Le correcteur souhaite trouver matière à stimulation intellectuelle dans ses copies (et cela arrive plus qu'on ne croit, car un cerveau de 17 ans a des choses à dire !)
Et si je pense n'avoir pas assez de culture ?
La culture, ça se construit, au fil des cours, des documents et annexes de cours (cf. sur ce site, voir sur PRONOTE aussi où des documents additionnels sont joints à chaque séance du cahier de textes, voir le manuel scolaire...).
Le professeur fournit des références, des documents photocopiés ou mis en ligne, qui sont toujours des suggestions qui augmentent une culture générale et littéraire et à très court terme, doivent enrichir notre étude de telle ou telle œuvre. Il revient aux élèves de savoir ces occasions chaque fois qu'elles se présentent, sous la forme la plus minime comme une référence, un nom propre ou un titre d'œuvre fourni en classe et écrit au tableau.
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