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Négritude & BlackPower

Les "zoos humains"

Aimé CESAIRE : Fort-de-France/Paris/Fort-de-France





Extrait d'un Cahier d'un retour au pays natal (1939) (exorde)

Au bout du petit matin… Va-t’en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t’en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t’en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournais vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d’une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d’une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les montres et j’entendais monter de l’autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d’un sacré soleil vénérien
Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées.
Au bout du petit matin, l’extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs de sang qui se fanent et s’éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante, ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes, l’affreuse inanité de notre raison d’être.
Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins – la plage des songes et l’insensé réveil.

Le discours contre le colonialisme (1955). Extraits.

Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viet-Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. (...)
Colonisation : tête de pont dans une civilisation de la barbarie d’où, à n’importe quel moment, peut déboucher la négation pure et simple de la civilisation.
(...) la colonisation, je le répète, déshumanise l’homme même le plus civilisé ; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce mé­pris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend ; que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-­même en bête. C’est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu’il importait de signaler.

Discours sur le Colonialisme (1950)


Discours de Dakar, 1966




La Négritude après CESAIRE


Les commémorations 2013 en l'honneur de CESAIRE



Senghor et Césaire

Léopold SEDAR SENGHOR

"femme noire" (Chants d'ombre, 1948)


Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté ! J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux Et voilà qu’au coeur de l’Eté et de Midi, je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair d’un aigle.
Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du vent d’Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui grondes sous les doigts du vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.
Femme nue, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.


De l'autre côté de l'Atlantique

Ralph ELLISON, Invisible man (1953)




De CESAIRE à BARAKA





Frantz FANON

à partir de Frantz FANON présenté sur ce site académique martiniquais mais aussi sur la première chaîne publique martiniquaise




La créolité: Raphael CONFIANT




La créolité, pour une poétique de la relation: CHAMOISEAU


incipit de Texaco (Goncourt 1992)

Patrick Chamoiseau, Texaco (1992)

EPÎTRE DE TI-CIRIQUE AU MARQUEUR DE PAROLES HONTEUX: « A écrire, l'on m'eût vu le crayon noble, pointant moult élégantes, de dignes messieurs, l'olympe du sentiment; l'on m'eût vu Universel, élevé à l'oxygène des horizons, exaltant d'un français plus français que celui des Français, les profondeurs du pourquoi de l'homme, de la mort, de l'amour et de Dieu; mais nullement comme tu le fais, encossé dans les nègreries de ta Créolité ou dans le fibrociment décrépi des murs de Texaco. Oiseau de Cham, excuse-moi, mais tu manques d'Humanisme - et surtout de grandeur. »
RÉPONSE DU LAMENTABLE: Cher maître, littérature au lieu vivant est un à-prendre vivant...
Dès son entrée dans Texaco, le Christ reçut une pierre dont l'agressivité ne fut pas surprenante. A cette époque, il faut le dire, nous étions tous nerveux: une route nommée Pénétrante Ouest avait relié notre Quartier au centre de l'En-ville. C'est pourquoi les gens-bien, du fond de leur voiture, avaient jour après jour découvert l'entassement de nos cases qu'ils disaient insalubres -et ce spectacle leur sembla contraire à l'ordre public.
Mais s'ils nous regardaient, nous-mêmes les regardions. C'était un combat d'yeux entre nous et l'En­ ville dans une guerre bien ancienne. Et dans cette guerre, une trêve s'était rompue car la construction de cette route ne pouvait, à nos yeux, qu'annoncer une ultime descente policière de chaque jour, dans une ambiance nerveuse où le Christ apparut.
Iréné, le pêcheur de requin, l'aperçut le premier. Puis Sonore, la câpresse aux cheveux blancs d’autre chose que de l'âge, le vit venir. Mais tout le monde n'eut vent de son apparition qu’avec Marie-Clémence dont la langue il est vrai est un journal télévisé. A le voir, il semblait un de ces agents de la mairie moderne, qui détruisaient les quartiers populaires pour les civiliser en clapiers d'achélèmes ou même de ces huissiers des vieux temps-la­ misère qui nous sommaient de disparaître. C'est sans doute pourquoi il reçut le coup de pierre et perdit sur le long de sa joue un petit sang coulant. Qui donc avait lancé la pierre? Les réponses à cette question furent tellement prolifiques que la vérité vraie nous échappa toujours. (…)


De la cale négrière au "Tout-monde", CHAMOISEAU héritier d'Edouard GLISSANT



JM BASQUIAT

Black lives matter


Slave auction (1982)





Chris OFILI





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