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La pièce étudiée: Juste la fin du monde
Étude des titres successifs de la pièce
Les 3 extraits étudiés
Études linéaires
Mises en scène
Un extrait du discours de Catherine ("les rois de France")
un extrait de repas familial houleux ...
Etudes transversales
Le retour du fils
ADRIEN. - Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturellement, tu es venue vers la maison où sont tes racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie et bientôt tu pourras retourner en Algérie, au bon soleil de l'Algérie. Et ce temps d'incertitude dans laquelle nous sommes tous, tu l'auras traversé ici, dans la sécurité de cette maison.
MATHILDE. - Mes racines? Quelles racines? Je ne suis pas une salade ; j'ai des pieds et ils ne sont pas faits pour s'enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là, mon cher Adrien, je m'en fiche. Je ne fuis aucune guerre ; je viens au contraire la porter ici, dans cette bonne ville, où j'ai quelques vieux comptes à régler. Et, si j'ai mis si longtemps à venir régler ici ces quelques comptes, c'est que trop de malheurs m'avaient rendue douce ; tandis qu'après quinze années sans malheur les souvenirs me sont revenus, et la rancune, et le visage de mes ennemis.
ADRIEN. - Des ennemis, ma sœur ? Toi ? Dans cette bonne ville ? L'éloignement a dû fortifier encore ton imagination, qui pourtant n'était pas faible; et la solitude et le soleil brûlant de l'Algérie te brouiller la cervelle. Mais si, comme je le crois, tu es venue ici contempler ta part d'héritage pour repartir ensuite, eh bien, contemple, vois comme je m'en occupe bien, admire comme je l'ai embellie, cette maison, et, lorsque tu l'auras bien regardée, touchée, évaluée, nous préparerons ton départ.
MATHILDE. - Mais je ne suis pas venue pour repartir, Adrien, mon petit frère. J'ai là mes bagages et mes enfants. Je suis revenue dans cette maison, tout naturellement, parce que je la possède; et, embellie ou enlaidie, je la possède toujours. Je veux, avant toute chose, m'installer dans ce que je possède.
ADRIEN. - Tu possèdes, ma chère Mathilde, tu possèdes : c'est très bien. Je t'ai payé un loyer, et j'ai considérablement donné du prix à cette masure. Mais tu possèdes, d'accord. Ne commence pas à me mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets, je te prie, un peu de bonne volonté. Recommençons notre bonjour, car tout cela est mal parti.
MATHILDE. - Recommençons, mon vieil Adrien, recommençons. [...]
en 1991
et en 2017
Jeudi 9 janvier 1986, Aoste, (Italie) 20h20
Étrange mélancolie, oui. Pas de désespoir intempestif incontrôlé, non, seulement mélancolique, solitaire (bientôt vingt-neuf ans).
Jean-Luc Lagarce, Journal, Cahier X
Créées en 1992 par Jean-Luc Lagarce et François Berreur au sein du Théâtre de la Roulotte, compagnie Jean-Luc Lagarce.
L'écrit étant le centre du travail de création de la compagnie et celle-ci ne disposant pas de lieu pour défendre des écritures qui semblaient novatrices, c'est devant le constat que l'écriture d'Olivier Py ne trouvait pas d'éditeur que la décision fut prise de passer à l'acte et de créer une maison d'édition : Les Solitaires Intempestifs.
Suite au décès de Jean-Luc Lagarce, en 1995, le Théâtre de la Roulotte est mis en liquidation judiciaire.
En 1998, une nouvelle structure (SARL) les Solitaires Intempestifs est créée et rachète le fonds éditorial (6 titres). Elle a publié depuis plus de 300 textes sous la direction éditoriale de François Berreur.
Les Solitaires Intempestifs est le titre d'un collage réalisé par Jean-Luc Lagarce en 1987 qui portait le titre initial de 1957-1987 avec le sous-titre Et comble d'injustice, les jeunes gens d'aujourd'hui sont plus beaux que nous ne l'étions. Ce n'est qu'en 1992 que Jean-Luc Lagarce trouva les moyens financiers de réaliser ce spectacle. L'idée "d'avoir trente ans" avait disparu – Jean-Luc Lagarce est né en 1957 – et restait, peut-être, présent comme la promesse d'une nouvelle histoire, le personnage de l'écrivain dans Par les villages de Peter Handke, et les paroles de Nova :
(...) dans vos crises de désespoir vous avez peut-être constaté que vous n'êtes pas du tout désespérés. Désespérés, vous seriez déjà morts. On ne peut pas renoncer ; ne jouez donc pas les solitaires intempestifs : car si vous continuez à avoir de l'inclination pour vous-mêmes, ne voyez-vous pas dans l'abandon où vous êtes une lueur des dieux ?
Mise en scène M. RASKINE, prologue par PL CALLIXTE
Coprod. TNB/Odéon/Criée, 2020, "Les idoles"
Je n’ai plus vingt ans. Aujourd’hui, j’aimerais évoquer ces jours étranges… Comment durant quelques années, ceux que j’avais choisis comme modèles pour ma vie, mes amours, mes idées se rangèrent tous du côté de la mort. Comment le Sida brûla mes idoles. Je n’ai plus vingt ans et j’aimerais faire un spectacle qui raconte le manque mais qui espère aussi transmettre. Un spectacle pour répondre à la question : Comment danse-t-on après ?
Fr. BERREUR (cf. dossier SCEREN/CNDP, 2008) voyait dans le théâtre lagarcien un "équilibre" de "tensions". Ce jugement vous semble-t-il applicable à la pièce étudiée, Juste la fin du monde?